Les lois sur l'emploi des langues en matière administrative16 ont constitué une étape importante dans la sauvegarde de la paix communautaire dans notre pays. Durant six décennies, il n’a pas été touché aux principes fondamentaux, ni à la systématique. Le monde dans lequel nous vivons a, par contre, radicalement évolué : nous vivons non seulement dans un monde globalisé, mais également dans un monde numérique.
Note de bas de page
16 Début des années 60, la loi du 8 novembre 1962 a définitivement fixé la frontière linguistique, et la réglementation linguistique en matière administrative de 1932 a été profondément modifiée. Cela a résulté dans la loi du 2 août 1963 sur l’emploi des langues en matière administrative. Ensuite, les deux lois ont été coordonnées dans l’A.R. du 18 juillet 1966, M.B. 2 août 1966.
D'une part, les progrès techniques dans le domaine des transports ont conduit à une plus grande mobilité des personnes entre les pays et les continents. Cette évolution a entraîné dans notre pays un afflux croissant de citoyens d’origines linguistiques diverses, probablement encore renforcé par l’implantation d’institutions internationales. En outre, Bruxelles, capitale de l’Union européenne, attire un nombre important de diplomates, fonctionnaires et lobbyistes de différents pays. Ce melting-pot de cultures et de langues se manifeste surtout dans la Région de Bruxelles-Capitale et, ces dernières années, se diffuse de plus en plus dans la Périphérie flamande.17 Il ressort en effet de la première enquête sur l’emploi des langues dans la Périphérie flamande, qu’avec 78 langues parlées, elle fait preuve d’une superdiversité.18
D'autre part, grâce à l’internet, la communication mondiale est devenue une réalité, puisque l’internet rend les coins les plus reculés du monde accessibles d'un simple clic de souris. Entre connaissances et amis aussi, les nouveaux moyens de communication tels que Skype, Facebook, Twitter ou Instagram sont amplement utilisés.
Ces nouvelles formes de communication, qui deviennent de plus en plus courantes dans les services publics, semblent totalement différentes des moyens de communication utilisés dans les administrations au début des années soixante. Dans le rapport de la commission sur le projet de loi sur l’emploi des langues en matière administrative, il est fait référence à des messages ciselés sur des bâtiments ou à des formulaires polycopiés.19 Aujourd'hui, les formulaires sont mis à disposition sur une page web et les services administratifs informent le citoyen de plus en plus via leur site web, des SMS ou des e-mails.
En outre, ces nouvelles techniques offrent nombre de possibilités, entre autres en matière de choix linguistiques et d’accès à plusieurs langues. Elles permettent généralement de changer de langue, de sorte que les informations sont facilement accessibles dans une langue ou une autre. De plus, à l'aide de logiciels ou de paramètres corrects, les pages web en langue étrangère sont traduites par un simple clic dans la langue habituelle de l'internaute.
Entre ces possibilités techniques et l’application stricte de la législation linguistique, un champ de tension croissant émerge. Les services publics s’efforcent d’offrir au citoyen un service optimal, mais doivent néanmoins tenir compte de la loi sur l’emploi des langues en matière administrative. Trouver le juste équilibre entre les larges possibilités offertes par le monde numérique et les conditions strictes de la législation linguistique n’est pas toujours chose aisée.
Notes de bas de page
17 Voir dans ce contexte l’analyse de l’examen périodique du prof. R. Janssens. Taalbarometer voor de Vlaamse Rand, dans R. Janssens, Taal en identiteit in de Rand. Een analyse van de taalsituatie in de Rand rond Brussel op basis van de BRIO-taalbarometer, VUBPress, p. 25.
18 Cette notion réfère à la diversité croissante dans la diversité.
19 Ch., Rapport de la Commission, 1961-62, 331-27, p. 26.