Le coordinateur d'un partenariat local de prévention (PLP) d'une commune périphérique s’informa en octobre 2017 de la possibilité d’employer l'anglais dans les messages d'alerte.
Il était régulièrement contacté par certains membres de son partenariat, parce qu’ils comprenaient mal ou pas du tout les SMS en néerlandais, et ne pouvaient donc pas (correctement) évaluer la portée de l'avertissement. Cela avait même provoqué une légère panique chez plusieurs répondants. Le coordinateur avait donc déjà envoyé, de sa propre initiative, une traduction anglaise des messages à ces membres et demanda s’il n’était pas possible de réfléchir de manière constructive à une solution structurelle. Il avait déjà soulevé cette question auprès de diverses personnes de contact, mais sa question fut généralement rejetée sur la base de la législation linguistique.
Un partenariat local de prévention (PLP) est un partenariat entre les citoyens et la police locale dans un quartier déterminé. L’objectif est d’accroître le sentiment général de sécurité, de renforcer la cohésion sociale et de prévenir la criminalité, grâce à un échange permanent d’informations entre la police locale et les citoyens. Les membres du partenariat reçoivent également des conseils de prévention, comparables à des indications d’alerte.
Un partenariat local de prévention consiste en des bénévoles civils qui collaborent avec la police locale. Le coordinateur, également bénévole, dirige le PLP et organise des réunions. Toutefois, c'est la police qui juge sur la base des informations reçues s'il est utile de contacter les membres du PLP et qui organise le traitement et la diffusion des informations, par exemple si on peut supposer qu'une menace existe.42 Il peut s’agir d’avis signalant de faux inspecteurs de services publics, l'utilisation de fausse monnaie ou de faux chèques ...
Note de bas de page
42 Pour plus d’informations concernant le fonctionnement d’un PLP, voir la circulaire concernant les partenariats locaux de prévention (PLP) 2010, référence BIN/PLP 2010, à consulter via https://www.besafe.be/sites/default/files/2018-04/circulaire_plp_10-12-2010.pdf.
La police transmet l’information pertinente de manière structurée. Ce message d'alerte peut être envoyé directement à tous les membres du PLP ou aux coordinateurs, qui à leur tour transmettent les informations aux membres du PLP. La communication se fait par SMS ou par e-mail.43
Une communication PLP est donc d'une part une communication des citoyens à la police, d’autre part une communication de la police aux citoyens.
Les membres d'un PLP peuvent signaler des situations ou des comportements suspects aux centrales 101 organisées au niveau provincial. Les appels téléphoniques en provenance des PLP des communes périphériques sont donc pris en charge par la centrale 101 située à Louvain. Le CIC44 décide de la pertinence et du suivi.45
Les CIC ou SICAD46 doivent de toute façon appliquer la loi sur l’emploi des langues en matière administrative qui est d’ordre public et règle la manière dont les services publics doivent employer une ou plusieurs des trois langues nationales. Naturellement, l'anglais n'étant pas une langue nationale officiellement reconnue, elle n’est pas une langue administrative. En principe, elle ne peut donc pas être employée par les autorités publiques.
Notes de bas de page
43 https://www.besafe.be/fr/themes-de-securite/partenariat-local-de-prevention/communication
44 Centre pour l’Information et la Communication. Pour de plus amples informations : https://www.securitecivile.be/fr/content/que-font-les-centres-dappels-urgents-112
45 A.R. 26 juin 2002 concernant l'organisation des centres de dispatching centralisés et du point de contact national, article 1er.
46 Service d'information et de communication de l'arrondissement.
En outre, la loi du 29 avril 2011 créant les centres 112 et l'agence 112 exige à son tour que tout appel urgent aux numéros 100, 101 et 112 pour demander de l'aide médicale urgente, ainsi que les appels aux services de sécurité civile et à la police intégrée, soient traités par les centres 112 au moins dans les trois langues nationales et en anglais.47 Les appels d’aide médicale urgente sont traités par les opérateurs des CIC ou SICAD.
Le législateur a donc déjà prévu l'emploi de l'anglais dans certaines situations, telles que les appels pour l’aide médicale urgente. La loi précitée définit les appels d'urgence comme « les appels vocaux et non vocaux, par transfert de texte ou de données informatiques, formés pour obtenir une intervention urgente d'un service de secours ».48
Toutefois, les SMS envoyés dans le cadre du fonctionnement des PLP ne sont pas réglés par cette réglementation spécifique. Par conséquent, la loi sur l’emploi des langues en matière administrative reste d’application.
Selon l’article 13 de la circulaire partenariats locaux de prévention 2010,49 un PLP doit être accessible pour toutes les personnes qui vivent et/ou travaillent sur le territoire du PLP. Tant le PLP que la communication doivent être accessibles à toutes les couches de la population. L'obtention d'informations ne peut pas être le privilège d'une certaine partie de la population.50 On peut cependant se demander si ce prescrit suffit en lui-même pour déroger aux exigences strictes de la loi sur l’emploi des langues en matière administrative.
Notes de bas de page
47 Loi du 29 avril 2011 créant les centres 112 et l'agence 112, article 3, M.B. 23 mai 2011.
48 Loi du 29 avril 2011 créant les centres 112 et l'agence 112, article 2, M.B. 23 mai 2011.
49 https://www.besafe.be/sites/default/files/2018-04/circulaire_plp_10-12-2010.pdf.
50 https://www.besafe.be/fr/themes-de-securite/partenariat-local-de-prevention/communication, rubrique Un certain nombre de principes importants.
On pourrait éventuellement défendre l’emploi de l’anglais en soulignant l’aspect sécurité. La CPCL a autorisé exceptionnellement l'emploi d'autres « langues étrangères utiles », mais elle l’a lié à un certain nombre de conditions et objectifs.
Des arguments de sécurité peuvent soutenir l’emploi (supplémentaire) d'une autre langue utile. Les partenariats locaux de prévention font partie d’une politique de sécurité intégrale et intégrée en matière de criminalité et de nuisance, dans le but de créer un cadre de vie sûr et agréable. Selon www.besafe.be, un message PLP « est utile […] s’il entraîne un accroissement du sentiment de sécurité du citoyen. »51 Toutefois, le coordinateur PLP en question signalait, précisément parce que la loi sur l’emploi des langues en matière administrative n’autorise pas l’emploi d’autres langues, que l’effet inverse était créé. En effet, parce que certains répondants ne comprenaient pas (correctement) le message en néerlandais, le sentiment d'insécurité s’accroissait.
Le même problème se pose probablement avec la plateforme d'alerte BE-Alert.
BE-Alert est un système d'alerte qui permet aux autorités de diffuser en situation d’urgence un message à la population concernée. Lors de l'inscription, le choix linguistique est limité aux trois langues nationales. Interrogé à ce sujet, le ministre fédéral de l'Intérieur s’est également référé à la législation linguistique, sans toutefois exclure qu'en cas d'urgence, au moment de l'activation, il peut être décidé d’envoyer également le message dans une autre langue, généralement l'anglais, pour informer autant de personnes possibles.52 L’adjoint du gouverneur considère que ce point de vue pourrait éventuellement être utile, mais qu’il appartient aux instances compétentes d’élaborer une réglementation en la matière.
Vu la demande spécifique du coordinateur, l’adjoint du gouverneur contacta les services du SICAD Leuven / CIC VBR. Bien que les calltakers du centre répondent autant que possible aux appels d'urgence dans la langue du citoyen, les communications PLP ne sont envoyées qu'en néerlandais aux membres d'un PLP d'une commune périphérique. Une fois la décision d'envoyer un message d'avertissement prise, ce message est automatiquement lié aux listes des numéros de téléphone des membres PLP du secteur concerné. Le CIC ne dispose que d’une liste de numéros de téléphone. Selon le service, les autres données ne sont connues que par le coordinateur du PLP.
Ensuite, l’adjoint du gouverneur contacta la Direction sécurité locale intégrale du SPF Intérieur, ce service étant responsable de la politique de fonctionnement des PLP. À la rédaction de ce rapport, le service de l’adjoint du gouverneur n'avait pas encore reçu de réponse de la direction concernée, de sorte que le dossier ne pouvait pas encore être clôturé.
Plusieurs personnes de contact firent remarquer que l'anglais semble, en effet, être une langue de contact logique car elle est employée ou comprise par beaucoup de gens. Toutefois, il y aura toujours des habitants qui ne comprennent pas le néerlandais, ni le français ou l'anglais. L’on pourrait donc se demander à quel point les autorités doivent tenir compte de la grande diversité linguistique des habitants. Cette question n'est pas unique. D'autres pays sont également confrontés à la même problématique.
Notes de bas de page
51 https://www.besafe.be/fr/themes-de-securite/partenariat-local-de-prevention/communication
52 Chambre des Représentants, 18 octobre 2017, CRIV 54 COM 785, question n° 20808 de Monsieur H. Bogaert au ministre de l’Intérieur, p. 31: Comme c'est la législation sur l'emploi des langues qui s'applique lors de l’envoi de SMS BE-Alert ou Alert, l'alerte est d'abord envoyée dans la langue de la région ; en néerlandais pour la Communauté flamande, en français pour la Communauté française, en allemand et en français pour la Communauté germanophone, en néerlandais et en français pour la Région de Bruxelles-Capitale et dans les deux langues s’il s’agit des communes à facilités. Dans ce dernier cas, les messages sont d’abord envoyés en néerlandais, suivi par le français s’il s’agit des communes à facilités flamandes, et vice versa pour les communes à facilités wallonnes. En cas d'urgence, on peut décider au moment de l'activation d'envoyer également une alerte dans une autre langue, qui est généralement l'anglais, pour informer autant de citoyens que possible. Pensons à une situation d’urgence dans les environs des attractions touristiques dans notre pays. (trad.)